On pourrait croire raisonnablement à l’ironie du sort : alors que le Festival du film russe de Paris s’apprêtait à décerner son palmarès et que Moscou ne croit pas aux larmes (1980) était rediffusé avec un grand succès au cinéma Le Balzac, nous apprenions la disparition brutale de son réalisateur, l’incontournable Vladimir Menchov, figure populaire du cinéma soviétique, puis russe, depuis une quarantaine d’années.
Diplômé de l’école d’art dramatique du Théâtre d’Art de Moscou, étudiant de Mikhaïl Romm au VGIK, Menchov débuta comme acteur dans les années 1970 avec un certain succès public et critique et ne cessa jamais d’interpréter des rôles variés à l’écran : il apparaît ainsi dans Le maure de Pierre le Grand (Mitta, 1976), Ragtime Russe (1993) et Composition pour le jour de la victoire (1998) de Sergueï Oursouliak ou La ville zéro (Chakhnazarov, 1988), dans le rôle de l’officier qui manque de se suicider en public. Plus récemment, il avait interprété des rôles dans des films à grand succès en Russie : Night Watch (2004) et Day Watch (2005) de Timour Bekmanbetov, un petit rôle dans le film de noël Les sapins de Noël 2 (2011) et un second rôle d’apparatchik dans Le légendaire n°17 (Lebedev, 2013).
En tant que réalisateur, Vladimir Menchov devait sa renommée internationale à Moscou ne croit pas aux larmes (1980), ce mélodrame féminin devenu l’un des plus grands succès du cinéma soviétique. Sans pouvoir se rendre à Hollywood, il reçut la statuette de l’Oscar du Meilleur film étranger pour ce film toujours culte en Russie, et visionné de génération en génération. Il réalisa encore sept films, dont La jalousie des dieux (2000).
Très lié à la Mosfilm et au VGIK, Vladimir Menchov était un artiste multirécompensé : artiste émérite de la Fédération de Russie, artiste du peuple, prix d’État de l’URSS, ordre du mérite de la patrie, Aigle d’or du meilleur second rôle (2004), etc.
Il s’est éteint le 5 juillet 2021, des suites de la Covid-19. Il était l’époux de Vera Alentova, l’actrice principale de son plus grand succès en tant que réalisateur.
Hélas.
Véra Alentova et Piotr Mamonov sont également en réanimation en ce moment, avec le même diagnostic.
Le monde du cinéma a perdu un artiste qui a marqué son époque, et la gauche russe a perdu un camarade. Il n’était pas un militant, il était rempli des mêmes contradictions qui nous ont été imposées par les circonstances historiques (il suffit de voir quelques-uns de ses rôles « alimentaires »), mais nous nous en rappellerons comme d’un homme qui a refusé de décerner un prix à un film calomnieux (Сволочи) et qui a livré des témoignages précieux sur son rapport à l’art et à la politique lors de l’époque soviétique.
Que la terre lui soit duvet.
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