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Projet de longue haleine au budget colossal, Cosmoball (Вратарь Галактики) est le premier blockbuster russe sorti dans les salles après le confinement d’avril 2020. Destiné au plus jeune public, il surfe sans originalité sur les recettes du succès, entre mièvreries, bons sentiments, action analeptique et prouesses visuelles. Contre toute attente, le résultat évite le naufrage annoncé ; mieux, il surprend par la maîtrise de ses effets visuels.

Critique & analyse

Un prérequis est tout de même indispensable pour envisager de prendre un peu de plaisir devant cette débauche d’effets spéciaux : accepter de ne rien comprendre à l’histoire. Comme dans beaucoup de films du genre, une courte introduction pose le cadre de l’intrigue à venir. Une voix-off nous raconte, à toute vitesse, que nous sommes en 2071, dans une galaxie ravagée par les guerres, où la Lune a explosé en plusieurs morceaux et les pôles terrestres se sont inversés. Dès lors, New York est un glacier, les pyramides d’Égypte sont recouvertes par les eaux et Moscou ressemble à une jungle tropicale, sans électricité. Une sorte de scientifique extraterrestre monstrueux est emprisonné dans les profondeurs de la Terre et tous les habitants de l’univers regardent, chaque jour, les matchs du cosmoball, mélange électrique de rugby et de quidditch, auquel ne peuvent participer que des êtres dotés de pouvoir surnaturels.

Par chance pour les amoureux de cinéma russe, le stade où se déroulent les matchs de cosmoball est à Moscou. Hélas pour les esprits un peu cartésiens, le stade à la forme d’un pissenlit géant qui flotte au-dessus de la ville – très beau, du reste !

Au milieu de cette atmosphère déjà bien chargée, un jeune homme erre dans les rues de Moscou, entre les lianes, les lézards et les rivières sauvages. Anton (Evgueni Romantsov) semble être un garçon normal mais ce n’est qu’une apparence : il ne sait pas encore qu’il est capable de se téléporter, la condition idéale pour jouer au cosmoball et, ainsi, sauver l’univers des terrifiants desseins extraterrestres.

Quand on sait que le film est recommandé aux enfants de 6 ans et plus, on peut imaginer que les scénaristes (Andreï Roubanov et Djanik Faiziev) surestiment peut-être les capacités intellectuelles des gentils occupants des écoles primaires !

D’ordinaire, une telle présentation suffit à classer le film dans ma catégorie Nanars du cinéma russe. Et pourtant … un petit quelque chose me pousse à épargner cette superproduction, à lui trouver de nombreuses qualités. Est-ce le climat morose de nos derniers mois ? Les vivifiantes couleurs du film ? Les sympathiques acteurs ? L’occasion, relativement rare, d’admirer Moscou noyée sous les frondaisons d’une jungle tropicale ?

Envisagé dès 2014 comme une « réponse russe » aux adaptations hollywoodiennes des héros Marvel, le projet de reconstituer un monde futuriste, peuplé de héros aux pouvoirs de téléportation, a été porté pendant plus de cinq années par le producteur Sergueï Selianov et le réalisateur Djanik Faiziev. Le tournage s’est déroulé essentiellement dans les studios de Mosfilm, dans lesquels plusieurs décors extérieurs ont été reconstitués, notamment l’impressionnante artère moscovite où déambulent des centaines de figurants. Le studio Main Road Post (déjà responsable des effets spéciaux d’Attraction ou du Duelliste) s’est ensuite occupé des trucages numériques, offrant un résultat visuellement splendide, qui constitue le gros point fort du film.

Bien sûr, le scénario manque, comme souvent, de profondeur. Manichéen et simpliste à l’extrême, très convenu dans le dénouement de ses intrigues, il noie aussi le spectateur sous un déluge de détails difficiles à assimiler, qui ne semblent rien apporter, sinon de fausses pistes sans saveur. À la sortie du film en Russie, ce chaos scénaristique fut la principale critique des journalistes. Comment prétendre montrer ce film à des enfants qui ne saisiront pas un dixième des enchevêtrements de l’histoire ?

À l’image de Captivity, le prisonnier de Mars (2018), récemment chroniqué sur ce blog, Cosmoball semble avoir été touché par une malédiction concourant à son échec public et critique. Initialement prévue pour 2019, la sortie du film a été repoussée en raison d’importants problèmes techniques, puis s’est trouvée ajournée une seconde fois à cause du confinement de 2020. Finalement annoncé en 3D pour août 2020, le film a bénéficié d’une promotion importante mais la campagne de publicité a été largement entachée par une affaire tragique liée à l’un des acteurs, Mikhaïl Efremov, condamné pour conduite en état d’ivresse ayant entraîné un grave accident de la circulation et la mort d’un automobiliste. Plusieurs journalistes reprochèrent à la production du film d’avoir laissé les scènes où apparaît Efremov, dans le rôle comique d’un … policier alcoolique et gaffeur.

En définitive, c’est peut-être ce côté malade et bancal qui me séduit dans le film. On passera sur une histoire sans intérêt pour ne garder que les incroyables images, magnifiées par le Blu-ray. Les créatures associées aux joueurs sont très sympathiques. Les acteurs s’en donnent à cœur joie : Evgueni Mironov incarne un créateur fou, sorte de démiurge mythique aux cheveux blancs ; Victoria Agalakova est une joueuse de cosmoball pleine de charme et de malice ; Efremov est quand même amusant dans son rôle (malheureusement trop proche de la réalité) et on appréciera le clin d’œil de Svetlana Ivanova en spectatrice extraterrestre.

Comment voir ce film ?

Cosmoball est édité en DVD et Blu-ray chez First International Production depuis janvier 2021 en version originale sous-titrée et en version française. Pour les amateurs d’effets spéciaux, on y retrouve également un making-of du film.

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