En matière de nanar étranger, il faut savoir renifler les bons résumés fournis par les distributeurs, sur la jaquette des DVD. Celui de DARK FANTASY (Тёмный мир) ne déroge pas à la règle : « Parti en expédition dans les villages isolés du nord du pays, un groupe d’étudiants en anthropologie déterre un ancien bouclier. D’un simple toucher avec cette relique, Marina se retrouve malgré elle possédée et dotée de pouvoirs surnaturels terrifiants. C’est désormais à elle que va revenir la mission de combattre les forces du Mal incarnées par le redoutable Kostya … »
Du très (très) lourd. Conçu pour exploiter les nouvelles techniques de la 3D dans les salles de cinéma russes, cet opus fantastique nous plonge d’emblée dans un salmigondis de délires du plus mauvais goût. Des étudiants en philologie, qui ressemblent davantage à des BTS en décrochage scolaire, sont invités par un vieux professeur boniface à une mission d’ethnologie dans les forêts de Laponie. On ne saura jamais vraiment ce qu’ils recherchent mais la petite troupe rencontre bien assez vite une sorte de Baba Yaga aux faux airs d’Isabelle Huppert, occupée à cueillir des champignons derrière sa cabane. Pas de problème, tout le monde se met à table et remercie la vieille femme pour son hospitalité et ses recettes de filtres d’amour.
La grande force de ces films sans complexes, c’est l’aplomb des scénaristes, véritables démiurges que l’on se prend à imaginer à moitié séniles – ou carrément ivres pendant six mois. Rien ne semble jamais déstabiliser les esprits les plus cartésiens des personnages : ni l’apparition d’une vieille folle, ni l’existence de sorcières et de démons, encore moins la découverte d’un bouclier à la force mystérieuse. Un oligarque apparaît soudain et déclare qu’il a 2000 ans : normal ! Un chien loup doit guider deux étudiants vers le lac aux sorcières pour trouver une incantation secrète : on fonce ! Une jeune fille devient la reine des sorcières après avoir été ligotée puis plongée dans l’eau : quoi de plus naturel ?
Il faut avoir les yeux bien accrochés (le cœur a lâché depuis longtemps) pour se retenir de rire devant les dialogues et les situations, toutes plus improbables les unes que les autres. DARK FANTASY est une sorte de cocktail d’inspirations : un peu d’archéologie façon Indiana Jones, une dose de vampirisme, une larme de fantastique. La mise en scène d’Anton Meguerditchev consiste en une succession de plans brefs, parfois ralentis au montage : les mouvements d’un shaker, en somme.
Que peut-on sauver du naufrage ? Par bienveillance ou charité, peut-être l’actrice principale. Svetlana Ivanova est sympathique et se démène laborieusement pour faire croire à son personnage d’étudiante gothico-mystique devenue reine des sorcières du lac en Laponie. Les autres acteurs ressemblent, pour la plupart, à ces personnalités interchangeables qui hantent les films pour adolescents du cinéma américain (dans le style de SCREAM ou SOUVIENS-TOI … L’ÉTÉ DERNIER, pour ne citer que les « classiques »). On y retrouve les jolies Elena Panova en sorcière historienne et Maria Kojevnikova en blondinette jalouse, niaise à souhait (l’actrice a été élue députée à la Douma l’année suivante, une reconversion pleine de bon sens).
On trouve encore le DVD pour quelques euros sur internet (Seven7 Editions, 2012), avec une version française qui participe largement au comique des dialogues. Au passage, on notera que même le distributeur français n’a pas été au bout du supplice puisque son fameux résumé n’est pas correct – je laisse au spectateur courageux le soin de découvrir pourquoi !