LE QUARANTE ET UNIÈME
Сорок первый

Union Soviétique / 1927 / 65 minutes / Guerre, drame / muet

Réalisation : Yakov Protazanov
Scénario : Boris Leonidov, Boris Lavrenyev
Photographie : Piotr Yermolov
Production : Mejrabpom-Rous
Interprétation : Ada Voïtsik, Ivan Koval-Samborski, Ivan Chtraukh

Synopsis : Aux confins du désert du Kazakhstan, l’histoire d’amour impossible entre une femme soldat de l’Armée rouge et son prisonnier, un officier blanc de l’armée tsariste.

Galerie

Aucun média disponible pour le moment

Critique & analyse

L’idéal révolutionnaire en plein désert, sans eau ni nourriture, mais entre camarades épris de liberté : telles sont les premières séquences du film, après une escarmouche avec des cosaques, où l’on apprend, dans la confusion, le sable et la poussière, que le meilleur tireur de ce petit détachement de l’Armée rouge est une femme, Marioutka (Ada Voïtsik) ! Sur le bois de son fusil, elle note, pleine d’insouciance, le nombre de ses victimes. Trente-neuf, puis quarante ! Qui sera la quarante et unième ? Alors que le petit groupe s’empare d’une caravane marchande, les bolcheviques font prisonnier un officier du tsar (Ivan Koval-Samborski), détenteur d’un secret militaire. La jeune femme est désignée pour veiller sur lui. Très vite, ces deux êtres que tout oppose (le rang social, l’idéologie) vont succomber aux tentations charnelles. Jusqu’où cette hérésie les conduira-t-elle ?

Toute la force du film réside dans la capacité et la liberté du spectateur (soviétique) à douter, jusqu’à la dernière seconde. Douter de la force de résilience des soldats de l’Armée rouge, perdus dans le désert, douter de l’organisation des bolcheviques (l’officier s’en amuse dans une réplique très amusante), douter de l’histoire d’amour entre les deux personnages principaux : qui l’emportera ? La raison ou la passion, le réalisme social ou le fantasme sentimental ? L’île abandonnée fait office de jardin d’Eden, un temps. Le retour des hommes décidera finalement de l’issue, forcément tragique, de l’incartade amoureuse.

Yakov Protazanov réalise ce film dans un contexte relativement favorable à montrer de tels doutes, c’est encore le cinéma de la NEP instaurée par Lénine, des années d’affirmation du cinéma national, un certain âge d’or du cinéma soviétique muet. L’Armée rouge – même en position de vainqueur – n’est pas exposée à son avantage : le chef est un ardent défenseur de valeurs qui perdent de leur sens quand les estomacs sont vides, il n’est pas capable de conduire convenablement sa troupe dans le désert, les soldats se démobilisent très vite, jettent leurs fusils à terre, pillent des caravanes sans défense, parlent avec un vocabulaire très grossier. De fait, la seule femme du groupe s’amourache d’un officier blanc, plus distingué, et sacrifie ses poèmes pour lui permettre de fumer une cigarette.

J. Morvan
27 mai 2020

DVD & Blu-ray

Éditeur : Potemkine, Agnès B.
Inclus dans le coffret Grigori Tchoukhraï
Date de sortie : 2 novembre 2016
Support : DVD
Langues : VOST
Bonus : aucun

Laisser un commentaire