LE BRAS DE DIAMANT
Бриллиантовая рука

Union Soviétique / 1968 / 95 minutes / Comédie

Réalisation : Leonid Gaïdaï
Scénario : Leonid Gaïdaï, Yakov Kostioukovski, Maurice Slobodskoï
Photographie : Igor Tchernykh
Musique : Alexandre Zatsepine
Production : Mosfilm
Interprétation : Youri Nikouline, Andreï Mironov, Anatoli Papanov, Svetlana Svetlitchnaïa, Nonna Mordioukova, Nina Grebechkova

Synopsis : Des gangsters qui cherchent à faire passer des diamants de la Turquie vers l’URSS trouvent un moyen qu’ils pensent imparable : un plâtre sur un faux bras cassé. Hélas pour eux, un quiproquo avec un honnête citoyen soviétique en voyage contrarie leurs plans.

Galerie

Aucun média disponible pour le moment

Critique & analyse

Culturellement, il y a quelque chose du Corniaud (Oury, 1964) dans cette comédie réalisée par le maître du genre, Leonid Gaïdaï. L’histoire d’abord, inspirée dans les deux cas d’une affaire réelle : des gangsters utilisent un honnête (et simplet) citoyen pour transporter plus facilement de la drogue ; le cadre, ensuite : des paysages balnéaires, baignés par le soleil, des touristes et une certaine idée de la Dolce Vita ; la postérité, enfin : ce Bras de diamant demeure, comme nos films avec Louis de Funès, un indémodable de la comédie soviétique, vu et revu avec le même plaisir par toutes les générations, diffusé en périodes de fêtes. À une différence prêt, toutefois. Si les corniauds français sont allés jusqu’à Moscou recevoir un prix du scénario en 1965, les malheureux soviétiques sont restés sur les bords de la mer Noire, invisibles du reste de l’Europe.

Une version DVD est finalement sortie au Royaume-Uni en 2017 (Ruscico). Alors, pourquoi une telle indifférence à la comédie soviétique en Europe de l’Ouest ? On peut lire, ça et là, que les différences sociologiques entre l’URSS et l’Occident étaient si fortes qu’il était impossible pour nous – ignares capitalistes individualistes – d’apprécier les allusions comiques propres à une société lointaine et fermée (aujourd’hui disparue). L’argument ne tient plus à grand chose. Redécouvrir ce film au XXIe siècle permet d’apprécier tout un pan, complètement ignoré, du cinéma soviétique, loin des grands réalisateurs internationaux de l’époque. À la fin des années 1960, le cinéma de l’Union Soviétique se résume davantage aux films de Leonid Gaïdaï qu’à Andreï Roublev (Tarkovski, 1966) ou à La commissaire (Askoldov, 1967) – deux grands films, du reste. D’une dictature, les étrangers préfèrent toujours les rebelles ; c’est compréhensible, courageux et salutaire, mais réducteur.

Le bras de diamant, sans être un chef d’œuvre, vieillit plutôt bien. Les gags sont parfois lourdingues mais l’ironie du réalisateur-scénariste est d’autant plus appréciable avec le recul : le soviétique lambda n’est pas épargné, tour à tour représenté en touriste naïf, en gangster efféminé ou en citoyen modèle zélé, prêt à dénoncer ceux qui vont à l’encontre des justes règles imposées par le Parti. Certaines répliques témoignent de l’américanisation des fantasmes (« Tu as vu Sophia Loren ? Tu as bu du Coca-Cola ? ») et une figure féminine révolutionne littéralement la fin du film en apparaissant… en bikini ! Magnifique Svetlana Svetlitchnaia, femme fatale de Sotchi aux regards enjôleurs – eux aussi, très occidentaux – qui termine presque seins nus à l’écran. Leonid Gaïdai filme aussi des citoyens ivres, des bouteilles en gros plans, des douaniers peu méticuleux, une prostituée aguicheuse… autant de représentations frivoles, au cœur d’une société communiste, certes en période de relative libéralisation culturelle, mais encore très chaste et sclérosée, loin de pouvoir tolérer une autocritique sur grand écran, fut-elle teintée d’humour.

Ainsi, Le bras de diamant reste une douce satire de la société (« Il se peut qu’à Londres, le chien soit le meilleur ami de l’homme, mais chez nous… c’est le gérant de l’immeuble qui est l’ami de l’homme ! ») et une comédie populaire, incarnée par des acteurs qui mériteraient d’être (re)découverts en France : Youri Nikouline, Anatoli Papanov, Andreï Mironov, Nina Grebechkova ou Nonna Mordioukova.

J. Morvan
24 avril 2020

Laisser un commentaire