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Après les traditionnels films de guerre aux lourds accents patriotiques, après les récits héroïques des grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale, après les films à la gloire du char d’assaut T-34, voici le panégyrique de la kalachnikov. Vivement le biopic sur les dessinateurs des montres Vostok ou les premiers conducteurs des Katioucha !

Réalisé par Konstantin Bouslov
Russie / Sortie : 20 février 2020 / env. 110 min
Avec Youri Borissov, Olga Lerman, Alexeï Vertkov, Arthur Smolianinov, Eldar Kalimouline, Vitali Khaev

Critique et analyse

Réalisé à l’occasion du centenaire de la naissance de Mikhaïl Kalachnikov (1919-2013), le concepteur du plus célèbre fusil d’assaut du XXe siècle, toujours utilisé partout dans le monde par les militaires, guérilleros et terroristes de tout poil, Ak-47 : Kalachnikov (Калашников) s’inscrit à la suite des nombreuses autres évocations lyriques des héros de l’Union Soviétique dans le cinéma russe, ces dernières années. Le principe de ces films semble immuable : un garçon du peuple, très ordinaire mais paré des meilleures intentions pour servir son pays, se retrouve tiraillé entre le cœur froid de la machine bureaucratique et quelques courageux esprits prêts à lui ouvrir les portes de la gloire universelle. La même trame peut servir tous les pans de la société : ainsi de Gagarine (conquête spatiale), Kharlamov (sport) ou Kalachnikov (armée), pour les plus récents exemples chroniqués sur ce blog.

La différence entre tous ces produits de consommation courante se fait donc sur les détails : la mise en scène, le travail sur la lumière, le jeu des acteurs, d’éventuelles audaces dans l’écriture et un sujet plus ou moins attirant – je dois confesser, dans le cas présent, un manque d’intérêt (et de culture) notoire pour les armes à feu ; je préfère le hockey !

Alors, que peut-on sauver du conformisme de cet énième hymne mièvre à la gloire du génie populaire de l’URSS ? Si la mise en scène ne fait montre d’aucune originalité dans le traitement des séquences (elles-mêmes bien prévisibles), il faut saluer le travail du chef opérateur Levan Kapanadze pour sa très belle photographie. Alliée à des décors de qualité et une reconstitution soignée, elle permet au film de ne jamais souffrir des aspects un peu toc du numérique mal utilisé.

Le reste semble bien trop englué dans les codes du genre. Adapté des mémoires de Kalachnikov, le récit n’évoque (presque) pas sa jeunesse tourmentée de fils de koulak, sa déportation en Sibérie et ses différentes évasions – ce qui aurait, pourtant, apporté un peu de piment aux séquences finales : ses décorations, son prix Staline et l’utilisation massive de son fusil par l’Armée rouge. Le jeune Youri Borissov a beau déclarer en interview avoir cherché à « complexifier son personnage », le résultat ne s’écarte pas du chemin tracé initialement par les producteurs (où est passé le talent de Sergueï Bodrov, scénariste et producteur du film ?) ; pire, le pauvre Kalachnikov ressemble volontiers à un benêt sans conviction ni bravoure, aussi mal à l’aise avec les femmes que face à ses « concurrents » dans les concours. Un visage lisse au service de la patrie, héros sans failles.

Le film a le bon goût de ne pas trop s’éterniser, ce qui rend son visionnage presque agréable, à défaut d’être enthousiasmant. Quelques acteurs secondaires participent de cet effort collectif pour rendre vivante cette fresque immobile, dont l’essentiel se passe entre le champ de tir et les ateliers : Alexeï Vertkov, l’homme qui murmurait à l’oreille des T-34 dans Le tigre blanc (Chakhnazarov, 2012), incarne ici un officier du NKVD dans la seule scène de suspens du film ; Arthur Smolianinov est un ingénieur convaincant, tout comme le jeune Eldar Kalimouline en assistant de dernière minute. La jolie Olga Lerman, quant à elle, est moins bien servie avec un rôle de gentille épouse faussement caractérielle.

Comment voir ce film ?

Les amateurs de fusils d’assaut peuvent découvrir ce film en VOD (version originale sous-titrée) sur différentes plateformes avant, peut-être, une sortie prochaine en DVD / Blu-ray. Il faut noter que la carrière du film n’a pas été trop malmenée par la crise sanitaire liée au Covid-19 : présenté en avant-première à Ijevsk (Oural), la ville industrielle où fut fabriqué le premier prototype de l’AK-47, le film apparaît dans le top 5 des productions favorites du public russe pour l’année 2020.

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